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Pourquoi la psychogénéalogie, ce n'est pas de la magie?

Un jour un client vient me voir en consultation et me dit : « pouvez-vous me désintriquer de ma grand-mère et nettoyer mon arbre des incestes subis ? » ; je lui réponds alors : « vous savez, si j’avais un tel pouvoir sur vous et votre famille, je ne serais pas thérapeute, je serais magicienne ! »

Certaines pratiques dans le développement personnel (chamanisme, magnétisme, reiki, médiums ou autres) et certaines recherches autour des phénomènes encore inexpliqués comme la télépathie, la prémonition… tendent à nous faire penser qu’il existe une transmission d’information qui s’opèrerait d’inconscient à inconscient, de fait, sans vecteur de transmission, c’est à dire sans que la personne qui reçoit cette transmission n’ait son « mot à dire » sur la réception de ces informations. Un peu comme si votre téléviseur restait allumé toute la journée sans que vous soyez en mesure de l’éteindre. Sur cette base peuvent être proposé des séances où le médium par exemple transmet à son client des informations sur ses ancêtres.

Mais attention à bien différencier le rôle du médium ou encore du chamane de celui du thérapeute ! Ces métiers sont différents et n’ont donc pas les mêmes portées. L’objectif du thérapeute il me semble (ou du psychogénéalogiste ou de l’analyste transgénérationnel) reste d’accompagner son client et non de faire le travail à sa place. Sinon où se trouve son autonomie ? Personne d’autre que le client n’est mieux placé que lui-même pour suivre son propre cheminement et son processus. Le rôle du praticien en psychogénéalogie est de l’accompagner en lui offrant une écoute, un cadre et des outils pour lesquels il est formé et supervisé.

Par ailleurs, pour revenir à cette hypothèse de transmission « de fait », Serge Tisseron relève très bien dans « Secrets de Famille » un passage du roman « Lignes de faille » de Nancy Huston pour illustrer ce que peut-être un facteur de transmission, aussi invisible qu’il puisse paraître :

Une fillette se demande si elle a été adoptée. Après beaucoup d’hésitations, elle décide de questionner Helga, la vieille bonne de la maison qui l’a élevée :

« Helga ? Je dis, d’une vois insouciante.

_ Hmmmm…. ?

_ Tu te souviens du jour où je suis née ? »

Mes yeux fondent sur elle.

Elle ne sursaute pas, elle ne rougit pas, elle ne se met pas à bégayer, elle garde les yeux fixés sur son tricot mais, l’espace d’une seconde, ses aiguilles cessent de bouger et j’ai ma réponse.

L’immobilité dit vrai.

Puis elle se remet à tricoter – une maille à l’endroit, une à l’envers, Helga tricote une chaussette et moi je suis un corps étranger dans ce foyer. »

Ici le facteur de transmission qui permet à cette fillette de connaître sa réponse sur sa filiation est à peine perceptible, il s’agit de l’immobilité, du silence, d’un vide. Rien n’échappe jamais à un enfant porté par le désir de comprendre et de trouver réponse à ses questions.

Alors je vous le demande : peut-on faire confiance à cet enfant devenu adulte pour trouver seul ses réponses dans le travail thérapeutique qu’il décidera d’engager ? Ou doit-on lui fournir les informations que ses parents n’ont pas été en mesure de lui offrir ? Pour moi la psychogénéalogie et l’analyse transgénérationnelle doivent rester engagées dans la première posture, pour ne pas être confondues avec d’autres pratiques, et garder le cap vers l’autonomie et le libre-arbitre de l’être humain. Enfin la magie peut être bluffante, mais elle est aussi réversible et ses effets sont fugaces. La psychogénéalogie elle, est un travail précis qui s’inscrit dans une démarche plus longue et construit les fondations d’un mieux-être pérenne.

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